Flugzeug
A propos des oeuvres récentes d’Antoine Martin
Le désir des ailes
Il est un mythe essentiel à l’histoire des hommes, le mythe d’Icare dont l’issue fatale
a été de voler trop près du soleil, paré de ses ailes de cire et de plumes. Comme une
évidence transcendante, le rêve de voler a hanté de tous temps le parcours des
hommes. On le sait, c’est le génie de Léonard de Vinci qui dessina et inventa les
premières machines volantes. Au vingtième siècle, après la mise au point de leurs
aéroplanes, avec plus de 700 essais entre 1900 et 1903, les frères Wright ont réussi
l’exploit de vaincre l’attraction terrestre avec Le Flyer dans les dunes du Kitti
Hawk, le 17 décembre 1903. La conquête de l’univers aérien fut une incroyable
épopée. L’ambition des sommets, un peu plus vite, un peu plus loin, un peu plus
haut, tels seront les buts poursuivis inlassablement dans l’aventure de l’aérospatiale
et les nombreuses tentatives de vol plané.
Dans l’entre-deux guerres, le courrier devient le principal objectif du transport aérien.
Transmettre, c’est peut-être aussi le motif secret du travail récent d’Antoine Martin.
L’architecture de ses pièces, faites de câble, de toile sous-tendue par des structures
de bois contreplaqué est une invitation à la légèreté avec une évidente référence à
l’esthétique aéronautique.
Dans le choix chromatique de l’oeuvre en question, dominent les camaïeux de blanc,
blanc cérusé, blanc patiné, couleur de cire pure, couleur en recherche d’absence de
couleur.
À l’origine de ce travail sculptural, il y a le souvenir d’un père, Michel Martin,
passionné d’aéronefs dans les années 30 et rescapé d’une grave chute avec son
planeur. Un dramatique accident d’avion est également à l’origine de toute l’oeuvre
de l’artiste allemand Joseph Beuys et sa création fut comme une volonté de
rédemption face à la tragédie de l’Histoire. Les pièces actuelles d’Antoine Martin,
dans le souvenir de cette passion paternelle de l’aviation, sont peut-être aussi une
forme de rédemption dans le désir de ne jamais cesser de rêver le ciel. “ Mais en
quoi le ciel peut-il sourire ? “. C’est donc à nous d’en ouvrir les ailes sans cesse.
Joseph Farine
novembre 2020
1 Albert Camus, Le désert ( Noces )