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Voyage dans la ligne

 

 

Sur nos fronts, cette lumière de lampe qui ne livre pas les objets mais les compose, tendre matière qui entoure chaque chose.

                                                                                                                                           Antoine de Saint-Exupéry, courrier Sud.

On entre dans les dernières oeuvres d’Antoine Martin comme dans un mécanisme de pointe, une cartographie géante ou un panorama du sol vu depuis le ciel. Ici, les pistes sont brouillées. Ses tableaux apparaissent comme des fenêtres sur l’infiniment petit ou serait-ce plutôt l’infiniment grand ? L’artiste genevois se révèle fidèle à la ligne, fil conducteur de son travail qui structure celui-ci sans le cloisonner, offrant cependant un ancrage à l’oeil. Il se réfère, depuis plusieurs années, à l’aéronautique des temps anciens, lui, le fils d’un amoureux de l’aéronef qui alla jusqu’à imaginer et à fabriquer des engins volants. Que se soit par leur titre ou par la silhouette d’un avion qui apparaît telle une ombre planante et récurrente, les compositions parlent de cette histoire et de ce passé familial : une trame qui raconte bien plus que sa géométrie première.

Autre figure tutélaire, férue de vol, qui couronne l’exposition d’Antoine Martin et son catalogue : Antoine de Saint-Exupéry ( dont il partage son prénom), à qui il emprunte une citation extraite de son Courrier Sud (1929). Mis en exergue, celle-ci évoque la lumière révélatrice et structurante, celle du soleil que l’on côtoie plus près lorsqu’on vole là-haut et qui est source de toute chose et de la vie. Est-ce un hasard si le manuscrit de ce récit est conservé à Genève à la fondation Bodmer, à quelques kilomètres de l’atelier du plasticien? Ce livre, empreint de l’amour avorté de l’aviateur pour l’écrivaine française Louise de Vilmorin, parle de liberté et d’espace – des sources d’inspiration indéniables pour notre artiste.

Transparence, lumière qui naît du contraste, ombre, géométrie composent des oeuvres qui sont, chacune ensoi, une poésie et une promesse de voyage et d’évasion, une invitation à explorer ce monde personnel qui parle néanmoins de l’universel.

Klara Tuszynski